PLACE JAMAA EL-FNA
Plus qu'une place, jamaa el Fna est un mythe qu'il faut voir, vivre, écouter, sentir. A elle seule constitue un but, une capitale à part dans la capitale, une place qui n'a rien à envier aux autres place européennes ou américaines à ces autres lieux magiques ou au moins une fois dans sa vie, il faut être allé
C'est plus qu'une place, c'est encore une mer, une énorme scène de théâtre de 150 mètres sur 100, entre la Médina et la Koutoubia qui pointe vers le ciel, où le spectacle se transforme du matin au soir, où se concentre Marrakech toute entière, la population d'hier, vêtu à la berbère ou à l'arbre avec ses femmes au visage voilé et les hommes aux longs manteaux épais ou légers, et la population d'aujourd'hui vêtue comme tous les jeunes actuels. La place jamaa el Fna est toujours ouverte. Elle n'a pas d'horaire à respecter. On peut y aller à tous moments. Depuis toujours c'est le cœur de la ville. C'est ici, « place des trépassés » que les condamnés étaient exécutés dans les temps anciens.
Il y a au moins trois places à voir, toutes différentes: celle du matin, celle de l'après-midi et celle du soir. Le matin, jamaa el Fna est un grand marché ; elle s'anime bien avant que le moudden (muezzin) invite à la prière annonçant l'aube ; lentement, apparemment par hasard, mais dans un chahut progressif qui procède d'un ordre quasi rituel, les voiturettes commencent à arriver, les parasols colorés à s'ouvrir, les marchands à arriver. Une cascade de fruits et de légumes sont installés dans tous les coins possibles : dattes, oranges, bananes, abricots, pêches, prunes, oignons, pastèques, tomates, pommes de terre, citrons, mandarines, pamplemousses. Les bancs deviennent une palette extraordinaire. Piles de lentilles, petits pois secs, pois chiches, fèves, haricots, dissimulent le visage des commerçants installés au milieu de leurs marchandises.
Au marché de la place vous trouverez de tout. Des épices, pour rester dans le domaine culinaire : poivre, safran, cannelle, genièvre, cumin, noix muscade, piment en poudre. Est des montagnes de thé, surtout importé de la chine, des cascades de feuilles de menthe. Il ne vous reste plus qu'à fermer les yeux et « regarder » avec le nez, « regarder » et rêver alors que milles parfums vous entreront dans la tête, fruit des essences qui, avec le henné ( la teinture que les femmes utilisent, choisie par Mahomet comme symbole de la paix) vous découvrirez dans de minuscules mystérieuses bouteilles colorées.
Mais la « Grande-place » est aussi une façon de goûter au succulent artisanat que vus découvrez en vous aventurant (obligatoirement à pied) dans le monde des souks dont les petites rues débouchent de tous les côtés sur l'immense mer du marché. Voici les célèbres « maroquineries », objets en cuir, sacs, ceintures, de tous types et formes ; les babouches confortables ; les plats et vases de céramique ; les poignards et, avec un peu de chance, parce qu'ils deviennent de plus en plus rares, les fameux fusils à longs canons des fantasias, ciselés et travaillés comme des objets précieux, une grande tradition ancienne de la ville ; les tables avec le plateau en cuivre ou laiton repoussé, et encore les étoffes, les tissus, les filés. On ne peut pas partir sans avoir été au moins une fois tenté d'acheter une djellaba, l'une de ces longues chemises de toile portées par les hommes mais aussi par les femmes ; les saroual, pantalons, s'arrêtant aux genoux ; un beau fez rouge à mettre sur la tête ; l'hannel, le manteau de laine brune des femmes berbères du Haut Atlas, les caftans des plus simples aux plus précieux ornés de broderies en or et argents. Au milieu de l'après-midi, sans que vous vous en soyez aperçu, la place jama el Fna s'est transformée en une grande scène de théâtre pour un spectacle se déroulant dans tous les coins. il n'y a pas de billet d'entrée à payer, seulement, parce que vous êtes touristes, si le voulez, vous pourrez donner quelques pièces. Mais personne ne vous dérangera ; personne ne vous touchera. voici les mille personnages qui défileront sous vos yeux, il vous suffira de regarder autour de vous, de circuler d'un coin à un autre de cette grande scène ou tout se déroule à terre sur des tapis, grands et petits, ou bien sur le sol même.
Voici le charmeur de serpent ; à coté de lui un musicien tirera des notes aiguës de sa flûte, une fois le couvercle du panier soulevé, il jouera avec le serpent, lui appliquera de petits coups sur la tête, avec des gestes rapides, se saisissant de lui en des points précis. Les charmeurs de serpents font partie du mythe, héritage ancien d'une tradition sacrée venue, peut-être, jusqu'ici de l'Inde lointaine. Un spectacle pour les touristes ? sans doute mais pas uniquement cela. Laissez-vous encore distraire par les mangeurs de feu, par les musiciens qui frappent leurs gembrit, les tambours, avec un rythme incessant, par les danseurs Gnawa, d'origine soudanaise, noirs comme le charbon et agiles comme la gazelle. Et admirer les vendeurs d'eau, et, pourquoi pas, prenez un verre. Avec le thé à la menthe, l'eau des vendeurs sera pour vous l'âme liquide de Marrakech. Avec leurs vêtements rouges, leurs chemises blanches, leurs grands chapeaux d'où pendent des cordons de tissu et des coupes de cuivre brillant ou de laiton, prêts à l'usage, les vendeurs d'eau sont l'un des emblèmes éternels de Marrakech, du Maroc, mais aussi de tout le monde arabe. Ce sont les mêmes se différenciant seulement par le costume, qui se promènent sur les place d'Istamboul, dans les rues de tous le monde arabe, ou l'eau, manquant toujours, est sacrée comme la vie, est le bien le plus précieux, le présent plus simple mais aussi le plus riche que n'importe qui pourra faire et qui vous sera toujours fait dans chaque maison, riche ou pauvre, dans laquelle il vous sera donné d'entrer.
Ne perdez pas l'occasion de jeter un coup d'œil sur ce monde, sur les magiciens et les tireuses de cartes, sur les dresseurs de singes. Et asseyez-vous à la terrasse du Café de France, l'un des mille endroits qui font face à cette « mer », avec d'autres boutiques et restaurants. Vous pouvez tout embrasser en un coup d'œil : la place et ses acteurs, les verts jardins contre le rouge de Marrakech, le Guéliz, ville d'aujourd'hui avec ses géométries et ses espaces modernes, les montagnes du Haut Atlas qui l'hiver seront blanche de neige comme le Toubkal (4165 m), le pic le plus haut de toute l'Afrique du nord. Laissez nous dire que c'est durant la nuit que se manifeste la fable la plus enchanteresse sur la place jamaa el Fna. C'est le moment où s'allument les lampes à acétylène, surtout posées à terre, ou recommencent les spectacles et les danses, et où l'on s'assied en cercle pour boire à petites gorgées les mythiques thé à la menthe. Des centaines de petites lampes « nues », attachées à de simples fils électriques, formant des rampes allumées au-dessus des bancs et des boutiques. La place se couvre alors de fumée et de senteurs de nourriture. Plus qu'à l'heure du repas, c'est le moment où il fera bon s'asseoir devant un étalage ou à l'abri d'un petit restaurant et goûter au moins l'une des spécialités de la cuisine marocaine.
Et le choix sera infini, entre brochettes de moutons grillé, boulettes de kéfta, boulettes de viande au persil, oignons et piments, les merveilleux briouats, une sorte de crêpe salée de toutes les formes, cylindrique, rectangulaire, remplie de viande hachée et d'épices de toutes sortes, la bastila, une tarte salée composée de feuilles de pâte très mince avec du pigeon, amandes, cannelle, safran et œuf ; le tajine, un magnifique ragôut de mouton, de bœuf ou autre, et quelquefois aussi de poisson, mélangé avec des dattes, des légumes variés et, naturellement des épices.
N'ayez pas peur, essayez pour savoir ; essayez pour goûter comme le sucré se marie bien avec le salé de façon si imprévisible. Et ne quittez pas la place sans avoir goûté une part de tarte au miel, une poignée de dattes grillées, un morceau de griouch, toujours du miel et graines de sésame.
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